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Ateliers participatifs :
mettre en dialogue les résultats d'une recherche

Les jeunes et le Droit au logement opposable (DALO)

LE DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE

En France, le droit au logement est un droit fondamental reconnu par plusieurs textes officiels. Malgré cela, son effectivité reste partielle. Un mouvement associatif se mobilise alors pour qu’il devienne un droit « opposable », c’est-à-dire un droit qui donne aux individus des voies de recours pour exiger sa réalisation concrète.

C’est en 2007 que la loi DALO (Droit au Logement Opposable) voit le jour, plaçant l’État face à ses responsabilités: plus qu’un objectif des politiques publiques, l’accès au logement autonome est désormais une obligation pour les personnes jugées prioritaires.

Cependant, les jeunes (16-30 ans)
rencontrent des difficultés
pour faire valoir ce droit. 

LA RECHERCHE

L’UNCLLAJ (Union nationale des Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes), un réseau d’associations de soutien aux jeunes dans l’accès au logement, souhaite mieux comprendre les freins et les leviers à la mobilisation du DALO par leur public.

Avec le soutien financier de la CNAF, elle charge Mélanie Atrux-Tallau (Ocellia) de mener une recherche  : grâce à des données quantitatives et à une série d’entretiens au sein de différents territoires, la chercheuse a pu mettre en perspective les chiffres avec la parole de travailleur·ses sociaux·les issu·es de structures accompagnant des jeunes vers le logement, et ainsi éclairer certaines logiques d’application de cette loi.

UNE RESTITUTION PARTICIPATIVE

Le 13 juin 2023, lors de l’assemblée générale de l’UNCLLAJ, les résultats de cette recherche ont été mis en dialogue sous la forme d’ateliers participatifs. Les intérêts sont multiples : replacer l’enquête sous l’œil de son commanditaire, collecter des données supplémentaires et mettre au travail les questions du droit et de l’accès au logement avec les CLLAJ, au-delà de ceux déjà enquêtés. En interrogeant la tension entre leur rôle de street-level bureaucracy* et leur rôle de défenseurs du droit au logement, la démarche a pour ambition de participer à la conscientisation des professionnel·les. 

*La notion de street-level bureaucracy fait référence à la manière dans les agents de terrain interprètent et mettent en œuvre les politiques publiques dans leur interaction directe avec les citoyens.

Voir notamment : Pierre-Édouard Weill, « Quand les associations font office de street-level bureaucracy. Le travail quotidien en faveur de l’accès au droit au logement opposable », Sociologie du travail, Vol. 56 – n° 3 | 2014, 298-319.

Pour préparer ce temps d’échanges, un rappel de la philosophie et des conditions d’application de la loi DALO est réalisé afin que tout le monde partage un référentiel commun. Ensuite, les résultats de la recherche sont présentés – un travail de vulgarisation par la chercheuse est nécessaire afin de permettre à tou·tes de s’en saisir.

Tout d’abord, expliquer la démarche de recherche et la méthodologie employée pour mener cette enquête permet à chacun de comprendre la manière dont les données ont été collectées et analysées et pour quelles raisons. Des constats statistiques clés sont mis en évidence, résumés à l’aide de graphiques simples et de quelques phrases saisissantes.

Ex : « entre 2016 et 2021, le nombre de recours DALO pour les personnes de plus de 30 ans a augmenté de 9%, alors que le nombre de recours DALO pour les jeunes de 30 ans et moins, lui, affiche une hausse de 246% »

La volonté de Mélanie Atrux-Tallau était de proposer des pistes d’interprétation sans les imposer, laissant ainsi des points d’interrogation et des espaces à compléter, afin de susciter des propositions de la part des participant·es.

Une fois le contexte établi, les questions des ateliers sont proposées aux adhérent·es de l’UNCLLAJ : elles sont formulées de manière claire et accessible, en utilisant un langage proche du Facile à Lire et à Comprendre (FALC), afin d’assurer un même niveau de compréhension. L’objectif est de créer des espaces propices à l’expression d’étonnements à partir de trois grands constats

1 - La hausse du nombre et de la part des jeunes requérant·es

2 - Les profils des jeunes faisant un recours DALO

3 - L'influence des contextes locaux sur l'application du DALO dans chaque département. 

Les participant·es ont pu choisir librement leur espace de travail – même si cela a créé un déséquilibre au niveau des groupes. Chacun·e a porté une attention particulière à la formulation claire d’idées et de concepts qui pourraient leur sembler évidents, conscient·es de la diversité des perspectives au sein des groupes. Ce souci de clarté et de compréhension mutuelle a permis de favoriser des échanges riches et constructifs. 

Initialement, les organisatrices imaginaient ce temps de travail en autonomie, dans lesquels elles n’auraient qu’un rôle d’animatrice lançant l’atelier et ensuite d’observatrice. Finalement, elles ont été impliquées de différentes manières : au niveau de l’animation en continu (à travers des relances et l’apport d’informations) et de la prise de notes (en relevant des verbatim). En fonction des contraintes et des dynamiques du moment présent, des ajustements sont indispensables pour mener à bien ce type d’exercice. 

Les effets de la réflexion collective

Les discussions de l’après-midi vont enrichir le rapport final de recherche : même si certaines questions restent en suspens, les nouvelles situations et les perspectives partagées vont permettre l’ajout de citations, pourront confirmer la pertinence de certaines hypothèses et contribuer à déterminer sur lesquelles il convient d’insister.

En plus de leur intérêt scientifique, les ateliers ont permis aux travailleurs sociaux d’interroger leurs propres pratiques. La dimension qualitative de ces échanges a favorisé la prise de conscience de leur rôle crucial dans l’application du DALO. Aussi, leur dimension collective a su rappeler l’intérêt de l’organisation interassociative au niveau local, créant l’opportunité de développer des synergies pour améliorer la situation des personnes concernées par le droit au logement opposable. 

Ainsi, cette approche participative a donné une autre facette à l’enquête : elle ne reste pas juste un « regard sur » l’activité des CLLAJ mais agit comme terreau pour une réflexion collective et un partage d’expériences, permettant ainsi aux professionnels d’approfondir leur compréhension des enjeux liés au logement des jeunes.